Le cauchemar, bien plus qu’un mauvais rêve

30.11.2023
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« Je dors — longtemps — deux ou trois heures — puis un rêve — non — un cauchemar m'étreint. Je sens bien que je suis couché et que je dors... je le sens et je le sais... et je sens aussi que quelqu'un s'approche de moi, me regarde, me palpe, monte sur mon lit, s'agenouille sur ma poitrine, me prend le cou entre ses mains et serre... serre... de toute sa force pour m'étrangler. Moi, je me débats, lié par cette impuissance atroce, qui nous paralyse dans les songes ; je veux crier, — je ne peux pas ; — je veux remuer, — je ne peux pas ; — j'essaie, avec des efforts affreux, en haletant, de me tourner, de rejeter cet être qui m'écrase et qui m'étouffe, — je ne peux pas ! Et soudain, je m'éveille, affolé, couvert de sueur. J'allume une bougie. Je suis seul ».

Cet extrait du « Horla » de Guy de Maupassant prend la forme d’un journal intime où le narrateur décrit ses nuits peuplées de cauchemars.
L’auteur énumère ici tous les éléments qui caractérisent un mauvais rêve : sensation d’impuissance, impression d’étouffement et vision onirique terrifiante.

Ces expériences nocturnes déplaisantes sont fréquentes et font revivre au dormeur ses émotions négatives de la journée. Si les cauchemars surviennent de manière régulière, au point de perturber votre quotidien, ils peuvent être le signe d’une pathologie sous-jacente, mentale ou respiratoire.

Un trouble de la famille des parasomnies

Pour le médecin du sommeil, le cauchemar est une entité clinique à part entière. Ce rêve extrêmement dysphorique (le contraire de l’euphorie) est caractérisé par une tonalité très désagréable, triste et anxieuse. Son souvenir au réveil est clair [1]. Il implique le plus souvent une situation de danger imminent et de menace vitale [2].

Le cauchemar appartient à la famille des parasomnies. Cet ensemble de comportements anormaux et d’expériences indésirables se produit pendant le sommeil, lors de l'endormissement ou au moment de l’éveil.
Dans la famille des parasomnies, on recense également des troubles tels que :

Les cauchemars perturbent de nombreuses nuits

Les cauchemars sont un trouble très courant et très ancien.
Les plus vieux récits les mentionnaient déjà, il y a des milliers d’années.

Par ailleurs, pour les scientifiques, le cauchemar constitue une expérience onirique quasi universelle [3].
C’est même un phénomène courant chez les enfants.
Ce dernier affecte environ la moitié d’entre eux [4], avec des pics de prévalence vers l’âge de 10 ans et à partir de l’adolescence.
Cela est dû au fait que la proportion de sommeil lent profond et de sommeil paradoxal est plus importante chez cette même population comparativement aux adultes.

Les cauchemars peuvent persister tout au long de la vie, même si leur fréquence semble diminuer avec l’âge (bien que cette tendance ne soit pas constante d’une étude à l’autre).
Ce phénomène n’épargne donc pas les adultes : 85% d’entre eux en font occasionnellement [5] et 2 à 6 % les considèrent même comme gênants [6]. Les mauvais rêves sont également fréquents chez les personnes souffrant d'insomnie, touchant 18,6% d'entre elles.
De plus, ils sont un symptôme courant du trouble de stress post-traumatique (TSPT), se manifestant dans 80% des cas.
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Dr Thierry CASTERA, médecin du sommeil

Quand les adultes souffrent de la maladie des cauchemars

Pour certains d’entre nous, ces rêves inquiétants deviennent pathologiques. Non, non vous ne rêvez pas ! C’est ce que l’on appelle la maladie des cauchemars, ou nightmare disorder, pour reprendre le terme anglo-saxon en vigueur.
Il s’agit d’épisodes répétés de mauvais rêves, qui vont alors impacter de façon significative le sommeil et le bon fonctionnement de l’individu, d’après la traduction française de la dernière Classification internationale des troubles du sommeil (International Classification of Sleep Disorders, ICSD-3, 2014) [7]. Agissant tels de véritables toxines , ils ont un retentissement important sur l’humeur, l’énergie, les cognitions, les performances, les interactions avec l’entourage ou encore le comportement du patient.

D’après les études épidémiologiques, cette pathologie concernerait 2 à 8% de la population générale adulte, avec une prévalence plus marquée chez les femmes que les hommes [3], [4], [5]. Chez les patients atteints de troubles psychiatriques, ce chiffre augmenterait encore, allant jusqu'à affecter 38,9% d’entre eux [8].
À la différence des cauchemars occasionnels, ces troubles récurrents constituent une pathologie à part entière, qui nécessite une prise en charge spécifique [9].
Les méthodes non-pharmacologiques basées sur les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ont démontré une efficacité particulièrement solide. Parmi elles, la thérapie par répétition d'imagerie mentale (RIM) se distingue comme le seul traitement actuellement préconisé par les autorités scientifiques.

Pourquoi fait-on des cauchemars ?

Depuis l’Antiquité, le cauchemar est une entité clinique qui questionne. Pourquoi fait-on ces rêves effrayants ? s ? Ont-ils un sens ? Annoncent-ils un danger à venir pour le dormeur ? Hippocrate, dans son Traité des Songes, considère que ces derniers révèlent un déséquilibre des humeurs [10].
Dans l'optique de la médecine antique, le cauchemar était perçu comme un symptôme précurseur de maladies graves, telles que l'épilepsie, et pouvait être considéré comme un signe annonciateur de mort [11].

Les scientifiques savent désormais que ces rêves se produisent pendant la phase de sommeil paradoxal (MOR). Ils sont plus fréquents en cas de stress, de fièvre, de fatigue intense ou à la suite d'une consommation d'alcool, voire de certains médicaments [12]. Ils sont le produit de notre inconscient, et les spécialistes estiment qu’ils ont des fonctions régulatrices et cathartiques en nous permettant de traiter la nuit les émotions négatives qui nous ont affectés le jour.
Ils peuvent cependant être révélateur de l’existence d’une pathologie [13]. Ils sont en effet souvent présents chez les personnes atteintes de :
  • dépression,
  • anxiété généralisée,
  • troubles maniaco-dépressifs,
  • schizophrénie,
  • toxicomanie,
  • alcoolisme,
  • apnée du sommeil.

Quand un cauchemar signale une maladie respiratoire du sommeil

Cette parasomnie fait partie des signes évocateurs d’une apnée du sommeil, également appelée syndrome d'apnée obstructive du sommeil (SAHOS) [14]. Ces signaux sont d’autant plus vrais lorsque le patient évoque des cauchemars aux thématiques alarmantes, telles que l'asphyxie, la chute vertigineuse ou la perception d'une mort imminente [15].

Environ 5% des Français sont affectés par l'apnée du sommeil. Ce trouble se caractérise par des interruptions fréquentes de la respiration (apnées) ou des diminutions notables de la ventilation (hypopnées) durant le sommeil.

Ces perturbations entraînent une baisse du taux d'oxygène dans le sang et peuvent provoquer jusqu'à une centaine de micro-éveils chaque nuit.
Elles peuvent intensifier les cauchemars, les rendant plus vivides et stressants.

Inversement, la nature et la fréquence des cauchemars peuvent servir d'indicateurs précoces de l'existence d'un trouble comme le SAHOS. Cette double interaction entre les cauchemars et l'apnée du sommeil souligne l'importance d'une approche intégrée dans le diagnostic et le traitement des troubles du sommeil, où les cauchemars ne sont pas seulement des symptômes, mais aussi des signaux d'alerte révélateurs.

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À retenir
  • Le cauchemar constitue une expérience onirique quasi universelle.
  • Si les cauchemars deviennent récurrents et affectent de manière notable le sommeil et le bien-être quotidien d’une personne, il se pourrait qu'elle souffre d'un trouble spécifique connu sous le nom de “maladie du cauchemar”.
  • Les cauchemars font partie des signes évocateurs d’une apnée du sommeil.
Sources
[1] Spoormaker V.I. et al. Nightmares : from anxiety symptom to sleep disorder, Sleep Med Rev (2006)
[2] Brion, A. Conduite à tenir devant des cauchemars récurrents, La Revue du Praticien, 22 Novembre 2021, 71(9), p.1001-6
[3] Gauchat A., Zadra A., Prévalence, corrélats et traitements des cauchemars chez les enfants
[4] Gauchat A., Zadra A., Prévalence, corrélats et traitements des cauchemars chez les enfants
[6] Brion, A. Conduite à tenir devant des cauchemars récurrents, La Revue du Praticien, 22 Novembre 2021, 71(9), p.1001-6
[7] Brion, A. Conduite à tenir devant des cauchemars récurrents, La Revue du Praticien, 22 Novembre 2021, 71(9), p.1001-6
[8] Thünker J. et al. Effectiveness of a manualized imagery rehearsal therapy for patients suffering from nightmare disorders with and without a comorbidity of depression or PTSD, Behav Res Ther, (2012)
[9] Perrier A. et al., Traitements de la maladie des cauchemars, Médecine du Sommeil, 18 (3), septembre 2021, p.133-143
[10] Hippocrate, « Traité des songes », Œuvres médicales, Lyon, Éditions du Fleuve, t. 3, 1954 ; et « De la maladie sacrée », De l’art médical, Paris, Livre de poche, 1994
[11] Terramorsi, B., La figure mythique du cauchemar, C.R.M., 11, 2004, p.46-55
[14] L’apnée obstructive du sommeil (SAHOS) constitue la très grande majorité des apnées du sommeil, loin devant l’apnée centrale du sommeil (ACS).
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Dr Thierry CASTERA, rédacteur médical
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