La somnolence au volant, un fléau silencieux

Rédigé par L'équipe SleepDoctor
Article vérifié
Notre équipe éditoriale, ainsi que nos experts médicaux étudient chaque article avec soin, pour s’assurer de la précision des informations et de la fiabilité des sources
Contenu à jour
Nous vérifions que le contenu de nos articles est en phase avec la littérature scientifique ainsi qu’avec les dernières recommandations des experts
Article mis a jour le 23.03.2023
La privation de sommeil et ses pathologies comme le syndrome d’apnée du sommeil sont des facteurs d’hypovigilance du conducteur de véhicule, au point d’en faire la première cause d’accidents sur autoroute.

Qui n’a pas jamais ressenti de la fatigue au cours d’un long trajet au volant d’une voiture ? Les yeux picotent, le rythme cardiaque ralentit, la pensée s’embrume et le véhicule se déporte. Les plus chanceux se ressaisissent et prennent conscience de la nécessité de s’arrêter. Pour les autres, c’est la sortie de route, aux conséquences trop souvent fatales.

Les statistiques de la mortalité au volant dûs à la somnolence sont sans appels

La somnolence au volant – qui touche entre 10 à 15 % des conducteurs professionnels – est l’une des premières causes de mortalité sur autoroute [1]. Plus d’un tiers des accidents mortels sur voies rapides est causé par la fatigue au volant [2] : c’est deux fois plus que l’alcool (un accident sur six) et supérieur à trois fois plus que la vitesse (un sur dix). Pas moins de 5 % des conducteurs du réseau autoroutier ont eu au moins un « presque accident » lié à la somnolence, soit 1,5 million de conducteurs chaque année [3]. La réalité des chiffres est implacable.

Le facteur (trop) humain

Alors que le nombre d’accidents sur autoroute connaît partout une évolution décroissante, la part des accidents liés à la somnolence augmente. Au sein de l’Union européenne, l’insécurité routière a été réduite de 43 % entre 1992 et 2002 [4]. De plus, les accidents liés à la somnolence sont plus sévères et plus mortels que ceux dans lesquels la somnolence n’est pas impliquée. Elle entraîne en effet la perte de contrôle de la vitesse du véhicule lors de l’impact et l’incapacité totale du conducteur à freiner.

Comme il s’agit d’un facteur humain, les pathologies du sommeil et les traitements psychotropes figurent parmi les responsables, au même titre que l’alcool. Prendre la route après une nuit blanche revient à conduire avec une alcoolémie de 0,9 g/l, un taux pourtant illégal dans tous les pays de l’Union européenne [5]. Et rien que 17 heures de veille active équivalent à 0,5 g d’alcool dans le sang. Difficile de rester aveugle à ces statistiques.

Prenez 3 minutes pour évaluer votre risque d'apnée du sommeil

La différence entre fatigue et somnolence

En cause : les phénomènes d'hypovigilance et de somnolence en voiture, qui réduisent radicalement les facultés d'observation, d'analyse et de réaction du conducteur, particulièrement sur les longs trajets. En la matière, il ne faut pas confondre la fatigue et la somnolence. La première est physique, cognitive ou psychologique. Elle est « normale » dans le sens où elle résulte d’un effort prolongé ou d’un état dépressif, et se répare par le repos. Selon les experts, elle ne constitue pas un facteur accidentel. Il en va différemment de la somnolence. Elle n’est pas anormale à certains moments de la journée ou de la nuit, précisément entre 2 et 5 heures du matin. Augmentée par la privation de sommeil et résolue par ce dernier, elle est reconnue comme un facteur accidentel comportemental. Or cette somnolence est très fréquente, puisqu’elle touche presque un tiers de la population… et donc la même proportion de la population des conducteurs.

Le premier degré de somnolence, qui correspond à de simple interruption de l’éveil par des épisodes de sommeil léger de brève durée au cours de la journée, concerne entre 8 et 15 % des adultes et augmente avec l’âge [6]. De 8 à 20 % des sujets adultes somnolents souffrent d’une somnolence quotidienne importante [7], accusant un score supérieur à 10 sur l’échelle d’Epworth (ESS) – une échelle de référence internationale :
  • Entre 0 et 6 : sommeil suffisant
  • Entre 7 et 8 : qualité de sommeil améliorable
  • Entre 9 et 14 : somnolence diurne excessive, pathologie probable
  • 15 et plus : somnolence diurne très importante, pathologie très probable

Quant à l’hypersomnolence, elle concernerait entre 3 et 6 % des adultes.
Au volant, le sommeil est le nerf de la guerre
La principale cause de somnolence est le manque de sommeil. Travail de nuit, activités nocturnes… la privation de sommeil concerne un tiers de la population adulte et 35 à 40 % de la population active, qui affirment dormir moins de 6 heures par 24 heures en semaine. Or cette trop courte durée de sommeil augmente par trois le risque d’accidents par endormissement au volant [8].

Paradoxalement, la moitié des conducteurs réduisent leur durée de sommeil avant de prendre la route des vacances – 10 % d’entre eux ne dorment pas du tout ! Pire, plus la route est longue, plus le sommeil avant départ est court [9] ! C’est dire comme les automobilistes sont peu conscients du lien de causalité entre hypovigilance et accident.
Pas de permis en cas d’apnée du sommeil non traitée
En toute logique, les pathologies du sommeil sont à l’origine de ces trop nombreux accidents. En raison de leur répercussion sur la qualité de l'éveil, elles accroissent le risque de somnolence. À ce titre, le risque d’accident est classiquement considéré comme plus élevé chez les patients présentant un symptôme d’apnée du sommeil (SAHOS) [10] car leur sommeil est peu récupérateur. Pour les conducteurs apnéiques, le risque d’accident est deux fois plus important que celui des personnes sans SAHOS. Bonne nouvelle : ce risque revient à la normale chez les patients correctement traités par pression positive continue (PPC) [11].

D’ailleurs, les pouvoirs publics prennent la chose très au sérieux. Les règles [12] d’aptitude médicale à la conduite des véhicules légers (automobiles particulières) et lourds (poids lourds, bus, remorques…) rendent la conduite incompatible avec l’apnée du sommeil. En cas de pathologie induisant une somnolence excessive, « la reprise de la conduite pourra avoir lieu un mois après l’évaluation de l’efficacité thérapeutique du traitement appropriée ». Les personnes sujettes à un SAHOS modéré ou sévère doivent se soumettre à un examen médical régulier.
L’apnée du sommeil : prenez-la (vraiment) au sérieux
L’efficacité de la prévention se heurte à plusieurs méconnaissances. Tout d’abord peu de personnes souffrant de SAHOS connaissent l’incompatibilité règlementaire. Sans doute parce que 75 % des patients apnéiques ignorent eux-mêmes qu’ils ont un risque plus élevé de somnolence [13]. Enfin, l’apnée du sommeil est, selon tous les experts, sous-diagnostiquée.
Comment se sentir concerné si on ne se sent pas en danger ? En cas de doute, testez-vous. C’est très simple, et c’est par ici.
Guide gratuit pour mieux dormir
Recevez " Le guide complet pour mieux dormir " maintenant et des conseils d'experts sur le sommeil chaque semaine !
Dr Thierry CASTERA, rédacteur médical
Recevez " Le guide complet pour mieux dormir " maintenant et des conseils d'experts sur le sommeil chaque semaine !
Sources
[1] Observatoire national interministériel de la sécurité routière, Comité national de la sécurité routière, Comité des experts, Rapport « Somnolence et risque accidentel », Mars 2016
[2] Fondation Vinci Autoroute pour une conduite responsible. Qu’est-ce que l’hypovigilance. fondation.vinci-autoroutes.com/fr
[3] Association des Sociétés Françaises d'Autoroutes (Asfa).
[5] Alhola P, Päivi PK. Sleep deprivation: Impact on cognitive performance. Neuropsychiatr Dis Treat 2007; 3:553–67.
[6] Ohayon MM. From wakefulness to excessive sleepiness: what we know and still need
to know. Sleep Med Rev. 2008; 12:129-41.
[7] Ohayon MM. From wakefulness to excessive sleepiness: what we know and still need
to know. Sleep Med Rev. 2008; 12:129-41, Liviya Ng W, Freak-Poli R, Peeters A. The prevalence and characteristics associated with excessive daytime sleepiness among Australian workers. J Occup Environ Med. 2014; 56:935-45.
Wilsmore BR, Grunstein RR, Fransen M, Woodward M, Norton R, Ameratunga S. Sleep habits, insomnia, and daytime sleepiness in a large and healthy communitybased sample of New Zealanders. J Clin Sleep Med. 2013; 9:559-66.
Haddock CK, Poston WS, Jitnarin N, Jahnke SA. Excessive daytime sleepiness in firefighters in the central United States. J Occup Environ Med. 2013; 55:416-23.
[8] Leger D, duRoscoat E, Guignard J, Paquereau J, Beck J. Short sleep in young adults: is it insomnia or sleep debt? Prevalence and clinical description of short sleep in a Conseil National de la Sécurité Routière - Comité des Experts 25 Somnolence et Risque accidentel – version finale – Mars 2016 representative sample of 1004 young adults from France. Sleep Med. 2011; 12:454- 62.
[9] Philip P, Ghorayeb I, Leger D, Menny JC, Bioulac B, Dabadie P, et al. Objective
measurement of sleepiness in summer vacation long-distance drivers. Electroencephalogr Clin Neurophysiol. 1997; 102:383-9.
[10] American Academy of Sleep Medecine (AASM). International classification of sleep disorders. Third Edition. Darien, Ilinois, USA, AASM edition; 2014.
[11] Tregear S, Reston J, Schoelles K, Phillips B. Obstructive Sleep Apnea and Risk of Motor Vehicle Crash: Systematic Review and Meta-Analysis. Journal Clin Sleep Med 2009; 5: 573-81.
Tregear S, Reston J, Schoelles K, Phillips B. Continuous Positive Airway Pressure Reduces Risk of Motor Vehicle Crash among Drivers with Obstructive Sleep Apnea: Systematic Review and Meta-Analysis. Sleep 2010; 33:1373-80.
[12] Directive du 1er juillet 2014 (2014/85/UE), Arrêté du 18 décembre 2015, JORF n°0301 du 29 décembre 2015.
[13] Observatoire national interministériel de la sécurité routière, Comité national de la sécurité routière, Comité des experts, Rapport « Somnolence et risque accidentel », Mars 2016.
[4] European Road Safety Observatory. Accidents statistics.
http://ec.europa.eu/transport
Vous avez aimé cet article ?
N’hésitez pas à le partager !