L’insomnie empoisonne jours et nuits

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Article mis a jour le 23.03.2023
Lorsqu’on manque durablement de sommeil, c’est la qualité de vie et la santé du veilleur qui se trouvent dégradées. Irritabilité, difficultés de concentration, accidents de la route et du travail… les insomniaques paient leurs nuits blanches bien trop cher.

Quel est le rapport entre Napoléon, George Clooney et Van Gogh ? Outre leur notoriété, ces personnages ont en commun d’être de grands insomniaques. Si eux ont pu mettre ce temps « bonus » au profit de leurs arts respectifs, dans la plupart des cas, l’insomnie handicape cruellement la vie de celles et ceux qui en souffrent.

Un Francais sur cinq souffre d'Insomnie

Mais de quoi s’agit-il exactement ? L’insomnie recouvre l’un des trois symptômes suivants [1] :
- difficultés pour s’endormir,
- réveil pendant la nuit avec difficultés pour se rendormir,
- réveil trop matinal assorti d’une incapacité à se rendormir.

Un Français sur 5 souffre d’insomnie, et un sur 10 d’insomnie sévère [2]. Le problème est évalué par un index de sévérité de l’insomnie (ISI). Il s’agit d’un bref questionnaire en 7 points portant sur la nature de l'insomnie, la satisfaction de la personne concernant le sommeil, son fonctionnement au quotidien et son anxiété par rapport aux troubles du sommeil [3].

L’insomnie occasionnelle : un mauvais moment à passer

Qui n’a pas connu d’épisodes occasionnels d’insomnie ? Trop de bruit, trop chaud, trop froid… une mauvaise literie ou un environnement inhabituel peuvent empêcher de dormir, relançant les « systèmes d’éveil ». Idem en cas d’échéance stressante, un examen par exemple, ou d’événement émotionnellement fort, qu’il s’agisse d’excitation suite à de bonnes nouvelles et du tourment provoqué par de mauvaises. L’anxiété, le stress et la dépression sont à eux seuls à l’origine de plus de la moitié des insomnies [4], chaque pathologie ayant des répercussions différentes.
Les anxieux sont principalement concernés par les difficultés d’endormissement. Tendus, survoltés par la perspective d’un danger, ils ont du mal à trouver le sommeil. Les stressés voient, eux, leur sommeil perturbé plutôt dans la seconde moitié de la nuit, avec l’impression pénible de somnoler. Quant aux personnes souffrant de dépression, elles ont un sommeil troublé par des éveils nocturnes fréquents et se réveillent précocement.

Thé, café, soda, vitamine C, alcool, tabac… la prise de médicaments ou d’excitants est, en toute logique, un autre pourvoyeur d’insomnie transitoire. Phénomène plus récent, l’usage tardif des écrans, avec leur fameuse lumière bleue qui envoie à l'horloge biologique un signal « de jour », vient s’ajouter à la longue liste des éléments susceptibles de perturber le sommeil. Inutile de s’affoler : en général, l’éradication de la cause règle le problème.

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Le piège de l’insomnie chronique

En revanche, lorsqu’elle se manifeste au moins trois fois par semaine depuis au moins trois mois dans un contexte adéquat de sommeil de nuit, l’insomnie est considérée comme chronique [5].
Il peut s’agir d’une insomnie aiguë qui devient persistante, typique des personnes stressées. Le sujet entre dans un cercle vicieux : il a tellement peur de ne pas trouver le sommeil qu’il le perd ! Son inquiétude d’être fatigué le lendemain aggrave l’insomnie. Là encore, le stress et l’anxiété occupent la première place sur le podium des causes de l’insomnie chronique.

De façon générale, de nombreuses maladies somatiques ou psychiatriques peuvent mettre celui ou celle qui en souffre dans le piège infernal de l’insomnie, qui est alors dite « secondaire ». Douleurs, rhumatismes, hyperthyroïdie, rhinite allergique, asthme, problèmes digestifs… autant de pathologies qui perturbent le sommeil du malade.

En résumé, l’insomnie chronique découle de trois facteurs [6] :
- un facteur prédisposant : la propension de chacun aux troubles du sommeil,
- un facteur précipitant : un événement familial, personnel, médical…
- un facteur d’entretien ou de chronicisation : un comportement inadapté ou des croyances sur le sommeil.
Pour s’en débarrasser, il est crucial de trouver la cause parmi ces facteurs.

L’apnée du sommeil en cause ?

Un trouble peut en cacher un autre : par exemple, l'insomnie chronique peut être provoquée par un autre trouble du sommeil. Ainsi, le syndrome des jambes sans repos – qui s'exprime par des sensations désagréables au repos et un besoin irrépressible de bouger les jambes – peut compliquer considérablement l'endormissement. Logique.

Le lien est parfois beaucoup moins évident à établir. C'est le cas avec le syndrome d'apnée du sommeil (SAHOS). Lorsque leurs voies respiratoires sont obstruées, les personnes apnéiques sont réveillées par leurs difficultés à respirer. Le fait de manquer d'air stimule les centres nerveux de la respiration, qui répondent en augmentant l'effort d'inspiration. Cet effort, qui survient après chaque apnée, provoque des micro-réveils à la suite desquels le sujet peut avoir du mal à retrouver les bras de Morphée. Dans ce cas de figure, il s'agit donc d'une insomnie de maintien de sommeil : le problème n'est pas tant de s'endormir que de se rendormir. Les personnes atteintes d'apnée du sommeil n'en ont pas toujours conscience. Pourtant, ce symptôme est fréquent. Il concerne 7,9 % des personnes âgées de 20 à 44 ans, 19,7 % des 45–64 ans et 30,5 % des personnes de plus de 65 ans [7]. Il existe même chez les plus petits, touchant 2 % des enfants âgés de 2 à 6 ans.

Si vous vous réveillez régulièrement la nuit, ne prenez pas le risque de passer à côté d'un trouble réputé pour provoquer des problèmes de santé. L'apnée du sommeil peut être détectée par un test de polysomnographie, un examen non invasif de surveillance et d'enregistrement de plusieurs données physiologiques pendant le sommeil. À l'occasion de ce test, de nombreuses données sont collectées, comme l'activité électrique du cerveau, le mouvement des yeux, l'effort respiratoire, l'activité du cœur et des muscles, la pression artérielle [8]… Une analyse par des spécialistes lèvera vos doutes sur la question.

Une souffrance pour corps et l’esprit

Les insomniaques paient un lourd tribut à Hypnos, dieu grec du sommeil et gardien de la nuit (appelé Somnus chez les Romains), et ce sur tous les plans. Lorsque le trouble s’installe durablement, c’est toute la qualité de vie qui se trouve dégradée [9]... tout autant que celle des personnes ayant une maladie chronique, selon la Haute autorité de santé ! Manque de concentration, défaillance de la mémoire, retard dans les apprentissages pour les plus jeunes, humeur irritable… les dégâts causés sont indéniables.

Sur le terrain de la santé, les insomniaques atteints de pathologies voient leur maladie s’aggraver par le manque de sommeil. Idem pour les maladies psychiatriques, qui peuvent créer un cercle infernal (dépression, anxiété, abus de substances illicites et d’alcool…). Enfin, la fatigue provoque des somnolences qui multiplient le risque d’accidents du travail, d’accidents domestiques et d’accidents de la route [10].

De très rares cas d’insomnies mortelles

L’insomnie peut être « fatale ». C’est même le nom d’une maladie orpheline pour laquelle il n’existe actuellement aucun traitement. Fort heureusement, elle est extrêmement rare (100 personnes et 40 familles dans le monde).
Dans sa version dite « familiale » ou « héréditaire », il s’agit d’une maladie à prion neuro-dégénérative, rapidement progressive et universellement mortelle. Le malade rencontre des difficultés de plus en plus grandes à se reposer et à maintenir le sommeil, jusqu’à ce qu’il lui soit complètement impossible de dormir. Le manque de sommeil dissipe son poison mortel : les facultés cognitives déclinent, les membres perdent leur coordination et des symptômes psychiatriques apparaissent. L’espérance de vie est de 7 à 73 mois.

L’autre forme de l’insomnie fatale est dite « sporadique » car elle ne comporte pas de mutation génétique. Ses premiers signes sont le déclin rapide de la fonction mentale et la perte de coordination – curieusement, les personnes atteintes de cette forme ne rapportent pas forcément des problèmes de sommeil. L'espérance de vie est légèrement plus longue que dans l'insomnie fatale familiale.
Aujourd’hui, les malades atteints par cette maladie grave nourrissent l’espoir d'un traitement en cours d’élaboration, qui consisterait à diminuer la quantité de protéines prions dans le cerveau. Les premiers essais cliniques humains pourraient commencer en 2024 [11].

À retenir
  • L’insomnie est considérée comme chronique si elle se manifeste au moins trois fois par semaine depuis au moins trois mois.
  • Elle peut être causée par l’apnée du sommeil, qui passe souvent inaperçue.
  • Le test de polysomnographie permet de détecter efficacement les troubles du sommeil.
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Dr Thierry CASTERA, médecin du sommeil
Sources
[1] Haute Autorité de Santé, Recommandations, Prise en charge du patient adulte se plaignant d’insomnie en médecine générale, décembre 2006.
[5] Classification Internationale des Troubles du Sommeil (ICSD-3), Académie Américaine de la Médecine du Sommeil (AASM).
[9] SF-36: evaluation of quality of life in severe and mild insomniacs compared with good sleepers, D Léger 1, K Scheuermaier, P Philip, M Paillard, C Guilleminault.
[10] Insomnia and accidents: cross-sectional study (EQUINOX) on sleep-related home, work and car accidents in 5293 subjects with insomnia from 10 countries. Damien Léger, Virginie Bayon, Maurice M Ohayon, Pierre Philip, Philippe Ement, Arnaud Metlaine, Mounir Chennaoui, Brice Faraut
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