Zoom sur l’apnée centrale du sommeil

26.01.2024

Auteur du texte : L'équipe SleepDoctor

L’apnée centrale du sommeil est un trouble neurologique qui touche une minorité de patients apnéiques, le plus souvent asymptomatiques. Elle regroupe une large famille de troubles et est dépistée par un test du sommeil : la polysomnographie.

Dans le monde, l’apnée du sommeil concerne un milliard d’adultes âgés entre 30 et 69 ans [1]. La très grande majorité d’entre eux expérimentent une apnée obstructive du sommeil (SAHOS), une pathologie respiratoire du sommeil très courante, dans laquelle l'obstruction des voies respiratoires restreint le flux d’air.
Une petite minorité d’entre eux, 0,9 % des patients [2], souffrent quant à eux d’une apnée centrale du sommeil (syndrome d’apnées du sommeil centrale ou SACS), générée par un dysfonctionnement du contrôle de la respiration par le cerveau. Le SACS est plus fréquent chez les personnes âgées et les hommes, ainsi qu’en cas de maladie cardiovasculaire. Il peut également être observé chez le nouveau-né et chez l'enfant [3].

Des signes cliniques discrets

Le dormeur n’est pas nécessairement conscient de son trouble respiratoire. L'apnée centrale du sommeil est le plus souvent asymptomatique [4]. Seuls les partenaires du dormeur peuvent remarquer :
  • des pauses respiratoires longues et calmes,
  • des respirations superficielles,
  • une augmentation de l’amplitude et du rythme des mouvements respiratoires (hyperpnée),
  • un sommeil agité.

D’autres symptômes peuvent être présents :
  • somnolence diurne excessive,
  • fatigue matinale,
  • céphalées (maux de tête) matinales.

Le tronc cérébral : PC des fonctions vitales

Le SACS est causé par une dysfonction de la commande cérébrale respiratoire. Celle-ci est placée dans une partie du cerveau spécifique : le tronc cérébral. Il est situé au niveau du cou, sous les hémisphères cérébraux, en avant du cervelet, dans le prolongement de la moelle épinière.
Il est composé de trois régions : le mésencéphale, le pont et le bulbe rachidien.
Élément du système nerveux central, il constitue la zone de passage de nombreuses voies motrices et sensitives [5].

Le tronc cérébral contrôle plusieurs fonctions vitales :
  • la régulation de la respiration (rythme et amplitude),
  • la régulation des battements du cœur (fréquence et force),
  • la pression artérielle [6].
Le tronc cérébral régule également de nombreuses autres fonctions corporelles comme :
  • la déglutition,
  • la salivation,
  • le hoquet,
  • les vomissements,
  • la toux,
  • l’éternuement [7].
Le saviez-vous ? : Pendant le sommeil paradoxal, c’est le tronc cérébral qui paralyse le dormeur l’empêchant de se mouvoir et de vivre ses rêves [8].
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Quand le contrôle de la respiration ne répond plus de façon adaptée

Comme dans le SAHOS, l’apnée centrale du sommeil se caractérise par des interruptions complètes (apnée) ou partielles (hypopnée) du flux respiratoire survenant pendant le sommeil. Cependant, à la différence du SAHOS, on n’observe pas de mouvements thoraco-abdominaux dans le SACS, c’est un des critères de différenciation entre ces deux troubles [9].

Le système respiratoire correspond à une boucle de régulation fermée qui vise à maintenir la composition adéquate du sang en oxygène et en gaz carbonique (homéostasie). Le contrôle de la ventilation implique des récepteurs périphériques et centraux sensibles à l’oxygène (O2) et au gaz carbonique (CO2) [10]. Le tronc cérébral est très sensible aux variations des taux sanguins de dioxyde de carbone. Lorsque le niveau cible de CO2 est dépassé à la hausse, on parle d’hypercapnie. À la baisse, on évoque une hypocapnie.
Quand le taux de CO2 est élevé, le tronc cérébral commande aux muscles respiratoires de respirer plus profondément et plus rapidement pour expirer le CO2 (hyperventilation), et inversement lorsque ce taux est faible (hypoventilation).
Dans l’apnée centrale du sommeil, le tronc cérébral ne répond pas de manière adaptée aux variations du taux de dioxyde de carbone.

Dans le SACS on observe plusieurs phénomènes :
  • La diminution de la commande ventilatoire (hypoventilation) entraîne des diminutions transitoires de la respiration ou des pauses respiratoires.
  • L'augmentation de la commande ventilatoire (hyperventilation) entraîne une hypocapnie;
  • Cette dernière génère à son tour une diminution compensatoire de la ventilation.
  • Si cette hypoventilation se prolonge anormalement, elle entraîne une apnée centrale récurrente avec éveils.
En résumé : pendant son sommeil, le dormeur souffrant de SACS fait des pauses respiratoires et respire moins profondément et plus lentement que la normale.

Pourquoi souffre-t-on d’apnée centrale du sommeil ?

On distingue deux grandes familles de SACS, selon qu’elles sont associées ou non à une hypercapnie (niveau de CO2 dans le sang trop élevé).

Dans le groupe des SACS sans hypercapnie on trouve :
  • Respiration de Cheyne Stokes (alternance d’hyper et d’hypo-ventilation), souvent associée à une insuffisance cardiaque,
  • Situation d’hypoxie en haute altitude,
  • SACS idiopathique (sans cause trouvée).

Dans le groupe des SACS avec hypercapnie, on regroupe de nombreuses pathologies :
  • Apnée centrale congénitale du nouveau-né (syndrome d’Ondine),
  • Tumeurs du tronc cérébral,
  • Prise d’opioïdes (méthadone, notamment),
  • Syndrome d’obésité-hypoventilation,
  • Myasthénie,
  • Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA),
  • Myopathie…

Le test de l’apnée centrale du sommeil : la polysomnographie

Le diagnostic du SACS se base d’abord sur les signes cliniques. Si un SACS est soupçonné, il doit être confirmé par des tests du sommeil. Il s’agit d’une polysomnographie réalisée à domicile avec un équipement portable ou bien dans un laboratoire du sommeil. Dans certains cas, une imagerie cérébrale ou du tronc cérébral ou encore une gazométrie artérielle (mesure des gaz du sang) pourront venir compléter l’examen.

Une polysomnographie dans sa version complète comprend habituellement
- un électroencéphalogramme (EEG) qui permet de classer les différents stades du sommeil et de scorer les micro-éveils,
- un électro-oculogramme (EOG) qui enregistre les mouvements des yeux,
- un électromyogramme (EMG) qui enregistre l’activité musculaire du menton et des jambes,
- un électrocardiogramme (ECG) qui enregistre l’activité cardiaque.
L’examen mesure également :
- l’effort respiratoire pour déterminer la présence et le type d’apnées du sommeil,
- le débit respiratoire, c’est-à-dire le débit d’air entrant et sortant par le nez, par une mesure du flux nasal,
- la saturation pulsée en oxygène,
- la pression en gaz carbonique et en oxygène
- les bruits respiratoires et notamment les ronflements par un capteur dédié
- l’enregistrement vidéographique du patient.

Le traitement de l’apnée centrale du sommeil

En première intention, pour traiter l'apnée centrale du sommeil, il convient d’abord de soigner au mieux les pathologies sous-jacentes identifiées. Il convient également de réduire ou supprimer la consommation d’alcool, d’opiacés et de sédatifs [11]. En seconde intention, il est possible de supplémenter en oxygène les patients asymptomatiques. Les patients symptomatiques pourront se voir prescrire une ventilation non invasive en pression positive peut être indiquée [12]. Celle-ci doit être évitée en cas d’insuffisance cardiaque, notamment en cas de fraction d'éjection ventriculaire gauche altérée [13]. Une stimulation électrique du diaphragme peut également être envisagée [14].

À retenir:
  • Le SACS est nettement moins fréquent que le SAHOS. Cependant, l’apnée centrale du sommeil n’est pas rare. On la retrouve chez environ 0,9 % des patients souffrant d’apnée.
  • L’apnée centrale du sommeil regroupe plusieurs pathologies se traduisant par une dysfonction de la commande respiratoire et une difficulté à respirer sans obstruction des voies respiratoires.
  • Le SACS est le plus souvent asymptomatique et doit être dépisté au moyen d’une polysomnographie.
Sources
[1] Benjafield A. et al. , Estimation of the global prevalence and burden of obstructive sleep apnoea: a literature-based analysis, Lancet Respir Med. 2019 Aug; 7(8), p.687–698
[2] Donovan LM, Kapur VK: Prevalence and characteristics of central compared to obstructive sleep apnea: analyses from the sleep heart health study cohort. Sleep 39(7): (2016), p.1353-1359.
[3] McLaren AT, Bin-Hasan S, Narang I: Diagnosis, management and pathophysiology of central sleep apnea in children. Paediatr Respir Rev 30 (2019), p. 49-57,
[4] Frija-Masson, J. et al. Syndrome d’apnées centrales du sommeil, Vol 46 (4) (2017), p. 413-422,
[9] Frija-Masson, J. et al. Syndrome d’apnées centrales du sommeil, Vol 46 (4) (2017), p. 413-422,
[10] Frija-Masson, J. et al. Syndrome d’apnées centrales du sommeil, Vol 46 (4) (2017), p. 413-422,
[11] Dempsey, JA: Central sleep apnea: misunderstood and mistreated , 2019, Rev-981.
[12] Pinto ACPereira Nunes, Rocha A, Drager LF, Lorenzi-Filho G, Pachito DV, Non-invasive positive pressure ventilation for central sleep apnoea in adults., Cochrane Database of Systematic Reviews 2022, Issue 10.
[13] Etude Serve-HF de 2025
[14] Schwartz AR, Sgambati FP, James KJ, et al., Novel phrenic nerve stimulator treats Cheyne-Stokes respiration: polysomnographic insights. J Clin Sleep Med (2020) 16(5), p. 817–820.
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Dr Thierry CASTERA, rédacteur médical
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