Apnée du sommeil et dépression, une liaison dangereuse

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Article mis a jour le 30.10.2024
Plus de doute : les liens entre dépression et apnée du sommeil sont désormais établis – l'une peut d'ailleurs masquer l'autre, et vice versa. Ça vous parle ? On décortique et on vous aiguille.

La dépression touche près d'un Français sur dix : chaque année, 9,8 % des personnes âgées de 18 à 75 ans vivent un épisode dépressif caractérisé (EDC) [1], et environ 8 millions de Français souffrent de symptômes dépressifs...

La dépression et son impact sur le sommeil

La dépression et les troubles du sommeil sont étroitement liés, chacun pouvant influencer et intensifier l'autre. Un mauvais sommeil peut augmenter le risque de développer une dépression, tandis que les personnes souffrant de dépression sont également plus enclines à éprouver des problèmes de sommeil. Cette relation entrelacée rend difficile la détermination de ce qui a commencé en premier - le problème de sommeil ou les symptômes dépressifs - mais ils s'alimentent souvent l'un l'autre dans un cycle de renforcement.

Pour beaucoup, la dépression perturbe les habitudes de sommeil, entraînant l'insomnie (difficulté à s'endormir ou à rester endormi), l'hypersomnie (somnolence excessive), voire l'apnée du sommeil. L'apnée du sommeil, une condition dans laquelle la respiration s'arrête temporairement pendant le sommeil, peut aggraver ce cycle en fragmentant le sommeil et en réduisant les niveaux d'oxygène. Cela a non seulement un impact sur l'énergie quotidienne, mais accentue également les sentiments de fatigue et de mauvaise humeur, fréquents dans la dépression. La dépression elle-même peut perturber l'équilibre de substances chimiques cérébrales comme la sérotonine, qui jouent un rôle dans la régulation de l'humeur et du sommeil. Lorsque ces niveaux sont désynchronisés, le sommeil est encore plus perturbé, laissant la personne constamment épuisée.

Ces perturbations du sommeil peuvent aggraver les symptômes dépressifs, créant ainsi un cycle difficile où les problèmes de sommeil, les luttes émotionnelles et les maladies comme l'apnée du sommeil se renforcent les uns les autres, rendant chaque aspect plus difficile à gérer.

Dormir trop : Peut-il s'agir d'un signe de dépression ?

Dormir excessivement, ou hypersomnie, est un symptôme courant mais souvent négligé de la dépression. Une personne souffrant de dépression peut dormir bien plus que les huit heures habituelles, faire des siestes fréquentes pendant la journée ou ressentir une envie irrésistible de dormir malgré un repos nocturne suffisant.

Cette somnolence excessive est liée à la façon dont la dépression affecte la chimie du cerveau, perturbant l'équilibre des neurotransmetteurs impliqués dans la régulation de l'humeur et de l'énergie [2]. L'hypersomnie peut devenir un mécanisme d'adaptation, le sommeil devenant un moyen d'échapper à des émotions difficiles ou de se soustraire à ses responsabilités et à ses interactions sociales. Contrairement à l'apnée du sommeil, qui provoque une fatigue due à des interruptions physiques de la respiration, l'hypersomnie liée à la dépression résulte d'une interaction complexe entre des changements d'humeur et une altération de la régulation du sommeil.

Cette différence est importante : alors que la dépression et l'apnée du sommeil entraînent toutes deux une fatigue diurne, l'hypersomnie va souvent de pair avec des sentiments de tristesse, de manque de motivation et de repli sur soi, mettant en évidence la composante émotionnelle propre à la dépression.

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Apnée du sommeil et dépression sont intimement liées

Aujourd’hui, les scientifiques s’intéressent tout particulièrement aux liens entre apnée
de sommeil et dépression. Près de 5 % des Français souffrent d’apnée du sommeil
(syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil, ou SAHOS) [4], [5].

Les recherches ont montré que chez les patients atteints d'EDC (épisode dépressif caractérisé), la prévalence de l'apnée du sommeil est multipliée par deux [6]. À l'inverse, un patient apnéique sur trois présente des symptômes de dépression. Il y a donc un risque accru de développer une dépression en relation avec le développement ou l'aggravation d'un SAHOS, et plus sévère est-ce dernier plus haute est la probabilité de la développer [7], évidemment.

Ainsi, le risque de souffrir d'une dépression est 1,6 fois plus fréquent chez les patients souffrant d'une apnée du sommeil normale (1 à 5 apnées par heure de sommeil). Ce risque est multiplié par 2 pour les patients souffrant d'une apnée du sommeil de gravité légère (5 à 15 apnées par heure) et par 2,6 chez les patients souffrant d'une apnée du sommeil de gravité modérée (plus de 15 apnées par heure) à sévère (plus de 30).

Source: [3]

Les conséquences de l'apnée du sommeil et de la dépression

L'apnée du sommeil et la dépression peuvent entrainer, l'une comme l'autre des pathologies aux nombreux points communs ou qui auraient l'impolitesse de se cumuler.

En perturbant l'architecture du sommeil, le SAHOS fait planer un danger sur la santé, tant physique que mentale. Concrètement, de quoi parle-t-on ? Altération de la mémoire [8], détérioration des fonctions cognitives [9], sautes d'humeur et dégradation de la qualité du sommeil. La liste est longue et compte, à long terme, l'élévation de la pression artérielle et le développement d'une maladie cardiovasculaire. Oui, ça fait beaucoup.

De son côté, la dépression n'est pas moins inoffensive. Les personnes qui en sont atteintes sont plus susceptibles de développer des maladies psychosomatiques, cardiovasculaires, infectieuses, etc… La note est salée et appelle à prendre cette maladie très au sérieux.
Dans des cas de troubles dépressifs importants accompagnés d'une résistance aux antidépresseurs, des chercheurs ont constaté 15 % de cas d'apnée du sommeil non diagnostiquée. La plupart de ces personnes ne correspondaient pas au profil type du patient apnéique : il s'agissait de femmes à l'IMC normal et qui ne rapportaient que de simples symptômes d'insomnie [10]. Une révélation qui a surpris la communauté scientifique.
Le saviez-vous ?

Mesures pratiques pour gérer la dépression et l'apnée du sommeil

Pour les personnes souffrant à la fois de dépression et d'apnée du sommeil, l'adoption d'une approche pratique peut faire une différence significative dans l'amélioration de la santé mentale et de la qualité du sommeil. Voici quelques mesures concrètes à prendre en considération :

  • Créez une routine de sommeil cohérente : Se coucher et se réveiller à la même heure chaque jour peut aider à stabiliser l'horloge interne de votre corps, ce qui rend le sommeil plus réparateur.

  • Essayez des techniques de relaxation avant de vous coucher : des techniques comme les exercices de respiration profonde ou la relaxation musculaire progressive peuvent aider à calmer l'esprit, le préparant ainsi à une meilleure nuit de sommeil.

  • Limitez les stimulants et les appareils électroniques : Réduire la consommation de caféine dans l'après-midi et éviter les écrans au moins une heure avant le coucher peut contribuer à améliorer la qualité du sommeil.

  • Rechercher un traitement pour l'apnée du sommeil : Si l'on soupçonne une apnée du sommeil, il faut envisager de consulter un spécialiste du sommeil pour des options telles que la thérapie PPC, qui peut améliorer la qualité du sommeil et avoir un impact positif sur l'humeur.

  • Envisager une thérapie pour la dépression : La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et d'autres approches thérapeutiques peuvent cibler efficacement les symptômes dépressifs et améliorer le sommeil.
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Dr Thierry CASTERA, rédacteur médical
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Sources
[1] INPES, Baromètre Santé 2017
[4] 4,9% de personnes déclarent souffrir d'un SE-SAHOS, Le syndrome d'apnée du sommeil en France : un syndrome fréquent et sous-diagnostiqué, C. Furhman et al., BEH 44-45, 20 novembre 2012, p. 511.
[5] L'apnée obstructive du sommeil (SAOS) constituent la très grande majorité des apnées du sommeil, loin devant l'apnée centrale du sommeil (ACS)
[6] The prevalence and predictors of obstructive sleep apnea in major depressive disorder, bipolar disporder and schizophrenia, B. Stubbs et al. J. Affect. Disorder, juin 2016, 197, p. 259-267
[7] Longitudinal association of sleep related-breathing disoerder and depression Peppard et al. Arch. Intern Med., sept. 2006, 166(16), p. 1709-17015
[8] Autobiographical Memory From Different Life Stages in Individuals With Obstructive Sleep Apnea, N. Delhikar et al., J Int Neuropsychol Soc, 30 janvier 2019.
[9] Obstructive Sleep Apnea and CPAP on cognitive functions, G. Seda et al., Curr Neurol Neurosci Rep. mai 2021, 21(7), P. 32
[10] Prévalence of obstructive sleep apnea in suicidal patients with major depressive disorder, W.V. Mc Call et al., Journal of Psychiatric Research, Vol. 116, sep.2019, p. 147- 150.
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